Jean et Joël, des jumeaux qui signent J. Martel

Les jumeaux, sculpteurs et décorateurs français, Jean * (ou Jan) et Joël Martel sont nés le 5 mars 1896 à Nantes. Ils sont décédés, non pas à Paris comme souvent indiqué, mais respectivement le 16 mars, à Lille et le 25 septembre 1966, à Bois de Cené.

Ils habitent Paris en 1906 et y réalisent toutes leurs études secondaires, puis avec le soutien de leur père, ils suivent les cours du sculpteur Pierre Vigoureux à partir de 1911 et intègrent l'année suivante l'Ecole Nationale des Arts Décoratifs. 


* Jean utilisera ce prénom jusqu'à l'obtention de son diplôme des Arts Déco, qu'il transformera ensuite en Jan.



Leurs œuvres sont des sculptures, des affichesdes monuments ou des fontaines d'inspiration Art déco ou cubiste, en passant par les nus féminins de 1931 et 1937, la sculpture animalière, les bouchons des radiateurs d'automobilesl'art sacré, la musique et la danse. La fougue de leur création se retrouve dans des œuvres consacrées à la vitesse et aux divers moyens de transport (avion, train, paquebot, voiture ...). Ils ont également réalisé des aménagements intérieurs dans des villas dans les années 1920.



Ils partageaient le même atelier et leurs travaux au point de signer leurs compositions seulement par « J. Martel ». Certaines de leurs œuvres sont éditées en céramique chez Fau et Guillard ou par la manufacture de Sèvres. 

Ils ont participé, dès l'entre-deux-guerres, à toutes les grandes manifestations et expositions internationales. Ils exposent à Paris en particulier aux Salons des Jeunes (1919-1920), des Indépendants (1922-1938), d'Automne (1922-1947), de la Société des Artistes décorateurs (1924-1954), des Tuileries (1928-1936) et de l'Union des Artistes modernes (1929-1933). 

Ils travaillent avec des architectes pour l'Exposition des Arts décoratifs industriels et modernes de Paris en 1925 et pour l'Exposition internationale des Arts et Techniques à Paris en 1937, mais collaborent aussi avec Jean Burkhalter (également peintre) et Robert Mallet-Stevens, notamment pour l'édification de leur hôtel particulier à Paris. 

En 1935, ils contribuent à la création de la revue L'Art sacré. Ils sont faits chevaliers de la Légion d'honneur en 1936 et commandeurs du Mérite culturel et artistique.    

Les Martel se placent entre la représentation naturaliste au plus proche de l’anatomie du modèle et la représentation cubiste. Ils s’intègrent à l’Art déco par la simplification des volumes et la préférence accordée aux volumes lisses.
Les dessins préparatoires des sculptures d’animaux sont basés sur l’organisation de lignes droites et des arcs de cercle tracés au compas, construits selon la règle du nombre d’or.

Ce rapport définissant les proportions idéales est la réponse à la recherche des Martel sur les proportions. Il sera au cœur de toute leur œuvre. L’attention au matériau et à la couleur est une autre caractéristique qui donne aux frères Martel leur juste place au sein des artistes modernistes.

Artistes parisiens, ils ont passé de longs moments en Vendée, dans leur propriété du Mollin (entre Challans et La Garnache), ou bien à Saint-Jean-de-Monts, ville dans laquelle on peut voir leur dernière œuvre monumentale : Les Oiseaux de mer.

Les frères jumeaux sont morts, à 70 ans, en 1966 à six mois d'intervalle, Joël en septembre victime de la maladie de Charcot (sclérose latérale amyotrophie) et Jean des suites d'un accident de la route, en mars quelques jours après son anniversaire dans la voiture de son ami l'architecte Jean Bossu, de retour de Lille où il projetait un monument.

Les Martel et Mallet-Stevens

Les frères Martel participèrent à Paris à des expositions au Salon des indépendants, au Salon d'automne, au Salon des Tuileries et à l'Exposition des arts décoratifs de 1925, où ils présentent, en collaboration avec Robert Mallet-Stevens, des arbres cubistes en ciment armé qui défraieront la chronique. Une réalisation destinée à montrer la solidité du béton armé en architecture.




Une réplique en béton et résine de l’arbre cubiste des sculpteurs Joël et Jean Martel a été réalisée, par l'architecte Marc Mimram, en 1998 pour figurer devant le musée des années 30 de Boulogne-Billancourt. Cette sculpture de 8,50 m de haut, fabriquée entièrement en Ductal® (BFUHP = Béton Fibré Ultra Haute Performance de Lafarge), constitue une véritable prouesse technique et artistique. En effet, le tronc est précontraint par fils adhérents. Les qualités intrinsèques du matériau ont permis notamment la fixation complexe des feuilles - des plaques en béton dont certaines ne dépassent pas 6 cm d'épaisseur - au tronc.



Dans la Villa Noailles, que l'architecte réalise à Hyères en 1923-1928, ils exécutent également un bas-relief sur la colonne centrale du hall et un miroir polyédrique. Ci-dessous la maquette du miroir polyédrique.



En 1926-1927, Mallet-Stevens construit un hôtel particulier pour les deux frères au n°10 rue Mallet-Stevens à Paris dans le 16e arrondissement (photo ci-dessous), dont la porte d'entrée principale est conçue par Jean Prouvé. Il est ensuite aménagé par Francis Jourdain, qui réalise en 1928 des meubles coulissants pouvant être déplacés sur deux tringles parallèles fixées au mur, par Gabriel Guevrekian, qui dessine une grande chambre à coucher-studio, puis en 1929-1930 par Charlotte Perriand qui exécute un studio-bar à portes également coulissantes. Cette maison-atelier qui contient plusieurs de leurs œuvres est classée au titre des monuments historiques depuis le 11 décembre 1990.



Plusieurs de leurs œuvres sont présentes dans la Villa Cavrois que Robert Mallet-Stevens construit à Croix de 1929 à 1932.




L'art animalier


L'art animalier ne représente en réalité qu'une facette de leur grand talent. Leurs sculptures animalières réalisent une symbiose entre naturalisme et cubisme, le travail sur la synthèse des lignes et l'architecture des formes.




Lapin

Ils ont notamment été les auteurs de monuments commémoratifs de la grande guerre très audacieux sur le plan des formes, dans ce genre qui s'imposait plutôt par son académisme un peu rébarbatif. 




Les frères Martel respectaient généralement la règle du nombre d'or pour composer des formes finalement très idéalisées. D'ailleurs, il ne semblerait peut-être pas si incongru de qualifier cette sculpture de classique, tant elle semble régie par la perfection proportionnelle et la beauté linéaire des contours. 



On trouve d'autres pièces intéressantes au Musée de Soissons, dans l'Aisne où ils ont beaucoup travaillé.




L'Union des Artistes Modernes (UAM)

La sculpture des frères Martel est riche et difficile à nommer : elle ne se veut pas décorative mais le prolongement d'une architecture de facture souvent Art Déco au cubisme digéré. Elle s'autorise toutes les audaces, quant au choix des matériaux, des sujets traités. 



Locomotive

L'Art des jumeaux démontre un amour profond pour le vivant et le moderne, pour les Arts, l'industrie et le progrès, mais aussi leurs racines vendéennes. Leur puissance créatrice est forte, accentuée par le travail à quatre mains. La villa-atelier des sculpteurs construite par Robert Mallet-Stevens en 1927 devient l'écrin d'une vie artistique et sociale intense. De nombreux amis fidèles et collaborateurs s'y réunissent régulièrement lors d'expositions, conférences et concerts organisés par les Martel. Les architectes décorateurs Mallet Stevens, Burkhalter, Le Corbusier, René Herbst, les peintres Albert Gleizes, Paul Signac ou Sonia Delaunay, Charlotte Perriand, l'affichiste Jean Carlu, les compositeurs Georges Migot ou Jean Wiener, les danseurs Malkovsky ou Nana de Herrera forment un groupe solide de proches. 



Nu féminin dit de l'UAM, 1931. En lakarmé mordoré, reposant sur un socle circulaire à gradins en bois peint en noir. Hauteur hors socle : 207,5 cm.

Jan et Joël Martel sont intimement impliqués dans leur époque, accompagnés d'un nombre important de collaborateurs prestigieux ; ils participent à toutes les grandes manifestations artistiques internationales de l'entre-deux-guerres, dont celles de 1925, de 1931 et 1937. Ils seront membres fondateurs de l'UAM (Union des Artistes Modernes) en 1929.



La Trinité présentée au premier salon de l’UAM en 1930, haute de près de 4 mètres,  montre  un jeu de volumes emboités, des arêtes vives, des plans dissociés. Un sujet classique traité dans un esprit de modernité fondamentale.