Le mobilier liturgique de Jean et Joël Martel

Un article publié en novembre 2021 sur la page Facebook SS Normandie

La chapelle du paquebot Normandie est une sorte d’originalité de par son aspect œcuménique. En effet, un jeu de dissimulation permet aux Catholiques et aux Protestants d’y pratiquer le culte. Discret et élégant, le local est dominé par une voute en berceau inversé, peinte par Léon Voguet. Les bancs et les stalles du chemin de croix sont de Leglas-Maurice et Jamin, tandis que les chasubles sont tissées par Hélène Henry.


La réalisation de la chapelle est l'œuvre des décorateurs et architectes Pierre Patout et Henri Pacon. Ils confient la décoration de la voûte et de l’abside à Alfred Lombard. La coquille centrale présente dans l’étude préparatoire sera remplacée par un monogramme IHS rayonnant (abréviation de Jésus en grec), au centre d'une mandorle (forme ovale qui entoure les personnages sacrés).


La chapelle du paquebot Normandie 
Photochromie de Marcel Arthaud, 1937


Œuvre des frères Jean et Joël Martel, le mobilier liturgique se démarquent par sa splendeur. Les artistes travaillent de concert, partageant une signature et un atelier commun. Ils rencontrent un fort succès lors l'Exposition de 1925 en présentant, avec Mallet-Stevens, les fameux arbres cubistes en ciment armé. Par la suite, ils s’illustrent aussi régulièrement dans des réalisations liturgiques ou commémoratives.



Jésus calmant la tempête. Jean et Joël Martel, 1934. Chaire et orgues du paquebot Normandie

En 1934, la Transat leur commande plusieurs ornementations pour la chapelle. Les artistes exécutent les candélabres en bronze ainsi que le lutrin pour la bible. 



Sur ce cliché sont visibles les candélabres, le crucifix, l'Agneau Pascal sur la porte du tabernacle et le Christ en Majesté.


Ils produisent également des bas-reliefs, notamment un crucifix, une représentation de Jésus calmant la tempête figurant sous l’orgue, un Agneau Pascal pour le tabernacle ainsi que Le Christ en Majesté, appliquée sur l'antependium de l'autel. 



Le Christ en Majesté. Jean et Joël Martel, 1934.
Sculpture en lap d'or fin appliquée sur l'antependium de l'autel du paquebot Normandie

Les précieuses sculptures sont en lap d'or fin. Le procédé consiste à apposer une couche extrêmement légère d’or fin sur un staff de plâtre gravé. L’esthétique est saisissante, mettant en valeur le subtil contraste des lignes fuyantes et des sculptures maçonnées en de volumineux reliefs géométriques, à travers lesquels se superposent les ombres et la lumière. 



Burettes en argent de Puiforcat. 

Jean et Joël Martel, 1934 - Paquebot Normandie.


Une même attention, pure et nette, se retrouve dans leurs dessins du carillon, du ciboire, du calice, des burettes et de l’encensoir. Tout en volumes circulaires, amples et finement assemblé par de fines bandes méplates, ils sont en fabriqué par Puiforcat.



Carillon en argent de Puiforcat. 

Jean et Joël Martel, 1934, chapelle du paquebot Normandie.


Ceci caractérise le style minimaliste propre aux Frères Martel. Leur participation constitue le principal paradoxe de l’œuvre décorative de Normandie. En effet, ils figurent parmi les rares membres de l’U.A.M à participer au projet, qui plus est dans le local présupposé le plus conservateur à bord – du moins spirituellement. Cela symbolise la volonté de la Transat de proposer ce qui est nécessaire pour le culte, sans trop l’exalter. Dans une France, toujours Catholique, mais en voie de déchristianisation mais face à une clientèle américaine Protestante encore très pratiquante, le pari moderniste rencontre un certain succès.


En 1942, les bas-reliefs ainsi que le mobilier liturgique sont descendus. Ils sont ensuite dispersés lors de diverses ventes. Plusieurs études en plâtre des bas-reliefs sont déposées à l'Ecomusée de Saint Nazaire.


Retour à la rubrique " Art sacré "