Le chalet des Gêts

Le chalet de la Mouille-aux-Blés

Le chalet des Gêts est l’œuvre des frères Jan et Joël Martel (mais surtout de Jan) en collaboration avec Le Corbusier et l’architecte et designer parisien Robert Mallet-Stevens qui avait lancé l’idée d’un tel chalet lors d’un repas.

Pour cette réalisation originale, les frères Martel ont obtenu une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1937.

Ce chalet, dont on connaît les plans bleus de la main même de Robert Mallet-Stevens, a été réalisé en Haute-Savoie aux Gêts, au lieu dit de La Mouille-aux-Blés. Dans un état assez dégradé, il était promis à la démolition. Cette œuvre patrimoniale exceptionnelle, fruit de la collaboration avec les frères Jan et Joël Martel, bénéficie enfin depuis 2023 d'un regain d'intérêt.

Le document d'information


Première page du document d'information
Chalet de la Mouille-aux-Blés
Les Gêts - Haute Savoie
Près frontière Suisse, à 600 km de Paris, à 1520 mètres d'altitude

But : Construire un chalet de deux chambres de skieurs à quatre couchettes chacune avec tout (le) confort, suivant le modèle-type de J. J. Martel, exposé dans le pavillon de l'U. A. M. à l'Exposition (des) Arts et Techniques Paris 1937, à bonne altitude et dans (une) région peu éloignée de Paris, particulièrement favorable pour le ski (débutants et champions) et pour les séjours en montagne du printemps et d'été (alpinisme).

Ces tickets seront la propriété du participant qui pourra, s'il n'en use pas personnellement, le donner ou le vendre à un tiers, ou s'il le préfère, le reverser à la société, qui en cas de vente de ce ticket, réservera au participant 50 % de ce qu'elle aura touché.


Sur les huit couchettes, quatre seront toujours à louer à un prix minime, ce qui donnera la possibilité aux participants d'avoir une couchette supplémentaire.


L'occupation du chalet par les 32 participants représentant environ quatre mois d'hiver et quatre mois d'été, le chalet sera loué pendant les périodes intermédiaires.


Le produit des locations après couverture des frais généraux, sera versé à la Société civile qui décidera de son affectation.


Pour deux mille francs versés une fois pour toutes, vous aurez 1/32 de propriété d'un chalet de skieurs, construit suivant les données les plus modernes à 1 500 m. d'altitude, à 600 kms de Paris, et pendant trente ans vous aurez droit à un séjour de quinze jours en hiver et de quinze jours en été, sans autre débours que la nourriture, le chauffage, l'éclairage.


Les premières souscriptions ayant été faites entre amis, il ne reste plus qu'une dizaine de participations pour le premier chalet, qui sera terminé fin septembre 1938.


Un second chalet est à l'étude pour l'an prochain.


Statuts et renseignements chez :

J.L DUCHEMIN, 12 rue Hennet (Pigalle 67.97) ou J-J. MARTEL 10 rue Mallet-Stevens (Auteuil 65.--)



A proximité du télésiège, à gauche le chalet sous le manteau neigeux au lieu-dit " Les Chavannes " d'après le prototype présenté en 1937 à l'Exposition des Arts et Techniques de Paris. Conçu en 1938 par Jan Martel en collaboration avec Robert Mallet-Stevens et Le Corbusier, il s'agit de la première réalisation du genre aménagée spécialement pour les sports d'hiver et le tourisme naissant en montagne.

Ce thème architectural est unique dans l’œuvre de Mallet-Stevens, il n’a construit que six villas. Pour ce chalet, il se soumet au vocabulaire de l’architecture vernaculaire en optant pour une structure à ossature bois bardée de clins horizontaux. 


Le chalet de la Mouille-aux-Blés en été

Le plan rectangulaire écarte toute composition pittoresque, renonce à toute symétrie, au traditionnel soubassement en pierre et adopte une toiture monopente. L’intérieur est ouvert à la lumière, rationnel, parfaitement équipé, adapté à la fonction. Les matériaux ne sont pas coûteux, la qualité vient de la valeur d’usage du mobilier et des espaces. Ainsi l’aménagement intérieur est-il soigneusement dessiné. 

En 1924, il déclare : “ Rationnel, le logis de demain sera commode, habitable, sain, clair, parce que là sont ses véritables devoirs. ”


Dessin d'illustration du document d'information de 4 pages.


Elévation de la face latérale. Le chalet sur pilotis se trouve en surélévation par rapport à la pente, ce qui assure une meilleure isolation, en libérant un espace de rangement. La toiture est monopente, débordant partiellement sur un balcon qui fait le tour complet.


Vue en élévation de la façade avant. Les ouvertures correspondent aux fenêtres situées au-dessus des tables escamotables. L'ensemble utilise des bois régionaux.


Plan légendé par les frères Martel de l'aménagement intérieur. De nombreuses astuces permettent un gain de place, une conception que l'on retrouvera dans le Cabanon de Le Corbusier à Roquebrune Cap Martin, avec notamment les casiers-tabourets empilables.


Une porte de séparation permettait de réunir les 2 logements, qui ne possédait qu'une toilette commune.


La légende signée J. J. Martel avec l'échelle de 1 cm par m


Le plan montre les 2 logements symétriques avec un balcon plus large sur la façade avant.


Ce plan est paru dans la revue " L'architecture d'aujourd'hui " avec quelques différences, notamment l'apparition de portes face aux escaliers.


Vue intérieure du chalet de la Mouille-aux-Blés montrant la table dépliable avec les casiers-tabourets emboitables et au premier plan devant les lits doubles superposés l'ingénieuse armoire avec ses tiroirs en double peigne coulissant et la penderie.


Une autre vue intérieure du chalet de la Mouille-aux-Blés avec la table escamotable au premier plan et deux meubles de rangement : le bureau à gauche et le meuble phono casier-disques à droite. Dans l'angle le support réchaud.


La table desserte escamotable qui se replie et libère l'espace devant les deux lits superposés. Au chevet des lits, des niches sont aménagées pour les lampes et pour les livres. Des filets à la tête des lits peuvent recevoir des effets.


Sur la droite : le cabinet de toilette avec la douche, une cuvette et un bidet. Au mur 4 crochets ainsi que 4 petites armoires. Les valises se placent sur le plafond du cabinet de toilette. A gauche : l'espace de rangement avec le ratelier pour les skis, le vestiaire-séchoir et le poêle.


L'ingénieuse armoire avec ses tiroirs en double peigne coulissant et la penderie.


On devine derrière l'échelle l'entrée du cabinet de toilette qui comprenait une douche, un lavabo et un bidet.


A la droite de la table escamotable, les lits superposés avec leur échelle et à gauche de celle-ci un casier et le garde manger.

Une œuvre de Robert Mallet-Stevens 
et des frères Martel



Un article publié dans Architecture & Stations




Il existe une version colorée du dessin de la plaquette d'information.

Quelques commentaires au sujet du chalet Martel-Mallet-Stevens

Décembre 1938

Le chalet est une petite merveille. Nous étions enthousiastes en le visitant. La vue des fenêtres est splendide. Le chalet à l’air d’être venu du ciel se poser dans le plus joli cadre. Beaucoup de compliments.
Docteur Girault. Cet ophtalmologiste faisait partie du groupe des danseurs maraîchins. Grand ami des Martel, il était propriétaire du moulin de la Belle Etoile.

6 février 1939

Cher Monsieur
Nous sommes merveilleusement installés à la Mouille-au-Blé. Tout est admirablement conçu et se révèle parfait à l’usage. Nous sommes heureux comme des rois et prenons notre petit déjeuner en tenue « bains de soleil » sur la terrasse. Le temps est avec nous, pas un nuage. Et surprise de la fenêtre on a pleine vue sur le Mont-Blanc. Nous ne saurions trop vous féliciter et vous remercier pour votre initiative qui nous enchante. 
J. et L. Bloch

Février 1939

C’est absolument étonnant et nous avons tous été enthousiasmés. Je ne pensais pas que c’était si grand. Tout va bien dans le chalet et tout si bien combiné. Quel confort ! Et il fait si beau. Nous sommes tous heureux de trouver ce chalet si confortable si haut perché. Quelle vue merveilleuse et comme il est bien situé. Nous étions vraiment bien cette nuit. Il fait très bon dans le chalet. Tout le monde est enchanté et chaque jour l’on y découvre une invention pratique. Vraiment tout y est très réussi et aussi comme exécution.
D. Gartia

1939

Le chalet est admirablement conçu et aménagé, les oreilles ont dû vous tinter, car nous avons souvent tous chanté vos louanges. C’est bien dommage que vous ne soyez pas là pour entendre nos acclamations d’émerveillement.
J. L. Duchemin. Cet ami des Martel était le fondateur de la Société des artistes, droits d’auteur.

1939

Grâce à vous ce chalet nous rend la vie magnifique.
T. Cadoulé

1939

Merci mille fois. C’est extraordinairement beau et bleu. Je n’avais jamais imaginé tant de confort en montagne : des porte-manteaux, des tiroirs, des placards, de la lumière, de la chaleur. Et quelle vue ! Merci mille fois.
Jean Langevin. Un autre grand ami des Martel, professeur de physique à la Sorbonne c’était le fils du physicien Paul Langevin. Il était également danseur dans le groupe fondé par les Martel.

Un logis pour quatre skieurs


Dans un article paru, en pages 20 et 21, le 15 janvier 1938 dans une publication de la maison Hachette « Maisons et Intérieurs pour tous » n° 128, la conception du chalet réalisé par les frères Martel était ainsi décrite :


« Celui qui aime le ski en France quitte la neige pour rentrer, ou bien dans un hôtel confortable certes, mais dont les Chambres sont décorés de tapisseries invraisemblables ; ou bien dans une Maison de village sympathique peut-être, mais sans confort et inhabitable, car l’on a placé hâtivement dans chaque Chambre le plus de lits possible pour la location.

Dans un endroit : souvent faux luxe ; dans l’autre : inconfort. Dans les deux, rien n’a été prévu pour le séchage des vêtements, chandails, moufles, chaussettes, chaussures, que l’on pend tant bien que mal au-dessus des radiateurs, que l’on brûle souvent, et que l’on doit reprendre encore humides.


Le programme tracé était d’aménager dans le minimum d’espace (4x4) une pièce dans laquelle 4 skieurs pourraient vivre confortablement et agréablement : se reposer, se laver, faire sécher leurs vêtements et faire leur cuisine. Ils y dorment en deux lits superposés (on accède au lit supérieur par une échelle) sur des matelas-sommiers indéformables.


Ils y mangent sur une petite table qui peut se déployer et permet alors à 8 personnes de prendre leurs repas (en général, c’est le repas du soir que l’on prend chaud dans les Chalets, celui du matin s’emporte dans les sacs et se mange sur les crêtes) ; car, après une journée de sport, on aime à se réunir nombreux autour d’une table. La table repliée ne mesure que 40 centimètres et permet la circulation dans la Chambre.

Ils y font leur toilette dans une « pièce d’eau » contenant un lavabo, un bidet, une douche, avec son collier et sa cuvette, quatre armoires individuelles et quatre crochets pour les serviettes.


Ils y placent leurs effets dans une penderie et une armoire commune. Chaque skieur dispose de 3 casiers qui peuvent s’enlever aisément pour le rangement plus facile et au besoin servir de valises pour transporter les effets d’un chalet à l’autre, le modèle d’armoire étant partout le même.


Deux meubles suspendus pour éviter l’encombrement peuvent se déplacer latéralement sur glissières, l’un formant bureau-bibliothèque, l’autre aménagé pour contenir : phono, disques ou T.S.F.


Au chevet des lits, des niches sont aménagées pour les lampes et pour les livres. Des filets à la tête des lits peuvent recevoir des effets. Les valises se placent sur le plafond du cabinet de toilette. Les sièges s’emboitent les uns dans les autres, quand on n’a pas à s’en servir. Au mur est fixée une plaque de liège pour y piquer des cartes et des photos. »



Aération et chauffage

La fenêtre « trou de vue » de 1 x 1, dont le châssis à un seul carreau rentre entièrement dans l’allège, permet à tous de voir le paysage de neige, en mangeant. Une hotte au-dessus du réchaud de cuisine permet l’évacuation des odeurs de cuisine par un vasistas aménagé derrière. Le chauffage est assuré par radiateurs.

Séchage

A l’entrée de la Chambre, on se débarrasse des effets humides que l’on place sur l’appareil de séchage, utilisant la tuyauterie chauffante du radiateur et permettant le séchage rapide des effets, chaussettes moufles, etc., sans les brûler. Un dispositif spécial permet à la neige fondue qui tient aux chaussures de s’écouler dans une canalisation. Les sacs sont posés au-dessus de l’appareil de séchage.

Cuisine 

Système de lave-vaisselle rapide. Une planchette ajourée au-dessus du fourneau, placards pour la batterie de cuisine, la vaisselle et le matériel de camping. Un garde-manger à fermeture hermétique reçoit l’air de l’extérieur par des trous aménagés dans le mur et tient lieu ainsi de glacière. 

Matériaux 

Tout est en bois naturel : cloison, plancher, plafond, meubles.

Il y aura 10 Chambres semblables, plus 4 Chambres à deux personnes, dans le Chalet de montagne conçu par l’architecte Charlotte Perriand, et qu’une société construira en série. Chaque Chalet sera entretenue par un gardien, qui est en louera les Chambres, à un prix modique.

Le prix de revient de cette Chambre-type, tout installée, a été réduit au minimum. L’isolement du Chalet contre le froid et la chaleur et le confort intérieur des Chambres permettent de séjours aussi agréables en Eté qu’en Hiver.

Jan Martel
I. Vidrascou


Les 2 pages dans la publication " Maisons et intérieurs pour tous " parues le 15 janvier 1938. © Collection particulière Jacques Desbarbieux.



Une parution dans l'architecture d'aujourd'hui


Sur ce cliché paru, dans la revue " L'architecture d'aujourd'hui " en avril 1939, on remarque la position de l'escalier différente par rapport au plan annexé.



Cette page extraite de la revue " L'architecture d'aujourd'hui " d'avril 1939 indique la mention Jan Martel, architecte. Merci à André Billy © Collection Philippe Mugnier.

Ce chalet est réalisé en bois du pays d'après le modèle-type exposé dans le pavillon de U. A. M. à l'exposition de Paris 1937.

Deux chambres indépendantes, aménagées de telle sorte que dans chacune d'elles, quatre personnes puissent vivre commodément.

Équipées avec confort (chauffage, éclairage, gaz, butane pour cuisine, w.c. avec fosse septique, eau courante, aération cuisine).

Calfeutrage de papier goudronné entre deux cloisons. Fenêtres à châssis pivotants, volets à guillotine coulissants entre les deux cloisons.

Ce chalet, construit à proximité d'un hôtel restaurant, est destiné à un groupe de 32 copropriétaires, participant chacun à la construction pour une somme minime. Huit personnes ayant la possibilité d'y séjourner à la fois, chaque participant peut disposer du chalet un mois par an, en une ou plusieurs fois.


Une prise de conscience de la valeur patrimoniale

Malheureusement ce chalet va subir les épreuves du temps, avec une dégradation suite au manque d'entretien et des actes délictueux.


Sur cette vue estivale du chalet de la Mouille-aux-Blés, on constate la disparition de plusieurs éléments au niveau du balcon ainsi que du tuyau d'évacuation du poêle.


Sur cet autre cliché on remarque que le chalet a subi d'autres dégradations, avec la disparition du balcon et des échelles sur la façade arrière.


Extrait de la publication La Vie Gétoise n°47 en 2016

Histoire des Gets, le 4 décembre 2022 :

 

" En 1937, le célèbre architecte-designer avant-gardiste et décorateur de cinéma Robert Mallet Stevens conçoit pour, et avec ses amis les frères jumeaux Jan et Joël Martel, eux-mêmes décorateurs et sculpteurs cubistes de renom, un chalet sur pilotis qui revisite entièrement les codes de l’architecture de montagne. Son aménagement intérieur très fonctionnel et minimaliste témoigne des innovations du design mobilier de l’époque. 

 

Présenté à l’Exposition internationale de Paris, ce chalet moderne et aux lignes épurées doit être industrialisé pour être vendu sur un principe de multipropriété. Un seul exemplaire, commandé par une copropriété de 38 personnes souhaitant disposer du lieu à tour de rôle dans l’année, est finalement installé en 1938 sur le plateau de Chavannes, à la Mouille-aux-Blés. Beaucoup de ces propriétaires appartiennent à l’Union des Artistes Modernes (UAM) cofondée et longtemps présidée par Robert Mallet-Stevens lui-même. 

 

Ce chalet est ainsi le (dernier ?) témoin de l’entrée des Gêts sur le plateau des Chavannes dans une ère touristique nouvelle : celle du tourisme hivernal conçu comme une véritable industrie. Une preuve également de la capacité de la station naissante à attirer des premiers résidents, dont des personnalités influentes et désormais rentrées dans l’histoire de l’art, de l’architecture et du design. Avec le chalet Blanche Neige (construit également en 1938 au plan des chenus), ce chalet peut être considéré comme l’une des premières résidences secondaires des Gêts. La toute première d'une longue série aux Gêts.


La commune des Gêts a jadis eu la bonne idée de s’en porter acquéreur pour sa préservation et son renouveau patrimonial. 

 

Malheureusement, les décennies sont passées sans entretien particulier et aucune avancée significative en matière de réflexion quant à son devenir n’a abouti. Il menace plus que jamais de s’effondrer sur le poids des premières neiges, à moins qu’il ne se connaisse très vite un nouveau destin… Il y a urgence, sauf à acter qu’il n’aurait aucun intérêt."


Simon Bergoend, président de l'association Coutumes, Traditions, Patrimoine aux Gêts, en juin 2023 :


" Pour précision la commune des Gêts jadis n’a pas eu l’idée de s’en porter acquéreur, le bien a en réalité été édifié sur une parcelle communale. Qui construit sur autrui construit pour autrui.


Nous sommes actuellement en discussion avec le CAUE et les élus départementaux délégués à la gestion de cet établissement pour monter un projet de rénovation et de mise en valeur. L’idée est de rendre le bien « visitable » par l’extérieur depuis le balcon en créant des ouvertures sur la façade qui permettront au visiteur de découvrir toute l’ingéniosité de l’aménagement intérieur.


Après avoir connu un certain nombre d’échanges et de visites sur site avec la DRAC, qui ne se sont pas avérées concluantes (idée d’un classement qui n’a pas abouti - pas aidé par l’état actuel piteux du bien il est vrai), il semble que le projet connaisse depuis quelques mois un second souffle. Il faut ajouter l’engagement très positif des descendants de Jean Martel qui s’associent et suivent le projet avec le souci de préserver l’essence architecturale évidemment.


Les services communaux s’assurent que pour l’hiver la structure soit renforcée afin d’éviter l’effondrement du chalet. On poursuivra début 2023 le montage du projet qui une fois mûr sera réalisé dans l’idéal en régie par les équipes de Bovard, peut-être avec l’appui d’entreprises locales qui pour certaines sont sensibles à ce projet. "


Des témoignages familiaux


Lise-Laure Forney, fille de Jan Martel, rappelle de manière émouvante des souvenirs familiaux expliquant non seulement le choix des Gêts pour y construire ce chalet révolutionnaire, mais évoquant aussi sa conception et son utilisation au quotidien :


« En 1937, Jan Martel ne connaissait pas la montagne et son ami Jacques Duchemin l'a emmené aux Gêts et plus précisément aux Folliets ou madame Plemanikov tenait l'Auberge Eure et Savoie. En promenade, ils vont vers les Chavannes et là, Jan est émerveillé quand il voit le Mont Blanc avec sa chaine et les alentours de l'endroit où il pensait faire le chalet. C’est ainsi qu’il a décidé de faire le chalet à cet endroit.

 

Pour le réaliser, il fait la visite des artisans des Gêts qui seront très favorables et volontaires pour monter ce projet. Sur Paris, il en parle à Charlotte Perriand, Robert Mallet-Stevens, Le Corbusier pour réaliser un chalet tout en bois. 

 

Ce chalet représentera les débuts de ce que l'on appellera la multipropriété. Le projet initial était de constituer une « Société civile de 32 participants souscrivant chacun deux mille francs une fois pour toutes et pour 30 années » avec l’avantage, pour chaque actionnaire, d’obtenir le droit à un séjour de quinze jours de novembre à avril et un séjour de quinze jours de mai à octobre.

 

C’était un projet très hardi à l'époque, sachant aussi qu'aucune route n'existait, tout se faisait à dos de cheval, et avec des traineaux pour le transport des outils et des matériaux.

 

Le sous-sol du chalet servait à stocker du charbon dans un premier temps pour le chauffage, ensuite il y aurait un poêle à mazout et par la suite l'électricité.

 

L'alimentation du chalet en eau se faisait par une source située à une cinquantaine de mètres. Mais cette source était très souvent gelée l'hiver et les gens qui venaient au chalet faisaient fondre de la neige dans des grosses bouilloires.

 

L’intérieur du chalet avait été très bien calculé, un espace très fonctionnel composé de deux pièces identiques  avec l'accès par une porte qui donnait sur un couloir ou des casiers à skis et à chaussures étaient installés.

 

En rentrant dans la pièce principale, sur la droite se trouvait un grand placard avec un côté penderie et une armoire avec des tiroirs qui s'emboitaient avec ceux de la porte quand on la refermait.

 

Le poêle à charbon se trouvait sur la gauche avec des bacs en zinc pour réceptionner l'eau des vêtements que l'on faisait sécher sur un séchoir en bois au-dessus du poêle.

 

De nombreux petits placards en bois permettaient de ranger la vaisselle et autres accessoires de cuisine. Le coin cuisine bénéficiait d'une hotte permettant d’aérer la pièce.

 

La table a été fabriquée de manière à complétement se replier sur elle-même pour laisser de l'espace, les tabourets s’empilaient tous les uns sur les autres. Deux lits deux places superposés pour les couchages avec sur les murs des filets fixés pour mettre les affaires.

 

La salle de bains était dans un cube de bois avec pleins de petits placards en fer pour ranger les affaires de toilette.

 

Il pouvait donc y avoir deux familles en même temps pendant la même période de vacances. »


Eric Forney, un petit fils de Jan Martel, apporte cette anecdote : 


« Le chalet de mon grand-père a servi de refuge pour la résistance pendant la deuxième guerre mondiale et a notamment permis de faire transiter des résistants et combattants alliés vers la Suisse. Ainsi mon père m'a raconté qu'un Anglais est venu un jour lui indiquer que, lorsqu'il était soldat allié, il avait trouvé refuge dans ce chalet et il a montré à mon père la Croix de Lorraine qu'il avait gravée et qui se trouve toujours sur le bardage en bois du chalet. »


Rétrospective


Le chalet en 1974


© Clichés d'Antoine de Fontbrune



Le chalet des Gêts en février 1974 © Antoine de Fontbrune.
On constate des modifications avec l'apparition de cheminées sur le toit.



Sur le grand balcon de la façade avant, l'espace partagé pour les deux logements est suffisant pour y installer une table avec les casiers tabourets. On remarque que les rambardes ont encore leurs planches horizontales comme à l'origine.


On distingue la pose des planches de bois en recouvrement sur cette façade avant du côté du grand balcon.


A l'intérieur du chalet des Gêts autour de la table escamotable, cinq personnes pouvaient y prendre place.


Le chalet en 2019


© Clichés de Christian Guibert



La balustrade du balcon est endommagée, des planches ont été rajoutées posées verticalement


Le balcon de la façade arrière a disparue et celle-ci a été taguée




Sur cette vue on aperçoit l'ampleur des dégâts au niveau du balcon du côté latéral gauche


Les fenêtres sont occultées par des volets




L'entrée du logement avec le ratelier pour les skis



L'ingénieuse armoire est toujours présente à côté des lits superposés et de la table escamotable




Les casiers tabourets ont été remplacés par des bancs


Le cabinet de toilette a été démonté


Le couloir d'accès au WC sur la façade arrière