Connaissez-vous la vie des frères Martel ?
Publié le 2 décembre 2016 par Philippe Gilbert dans Ouest France.
Ils étaient nés, il y a 120 ans et sont morts voilà 50 ans, à
l'âge de 70 ans. Les touche-à-tout Jan et Joël Martel ont laissé une empreinte
sculptée dans le département et bien au-delà.
L'histoire
Quelle fatalité pour ces mordus de numérologie. Fatalité
sous le signe du 6. Jumeaux, ils sont nés en 1896 et meurent en 1966, l'un,
Jan, en mars, des conséquences d'un accident de la circulation, l'autre, Joël,
de maladie en novembre.
Quelle fatalité, mais quel destin d'artistes que celui des
frères Martel, nés à Nantes, mais qui estimaient qu'ils avaient « vu le jour au
Mollin », la propriété familiale au croisement des routes Challans-Bois-de-Céné
et Châteauneuf-La Garnache. Une propriété touchée par la grâce, comme dans un
film de Cocteau.
Ce fut toute leur vie (avec la résidence de la Chapellenie,
à Saint-Jean-de-Monts) les pied-à-terre vendéens de ces deux sculpteurs. Des
artistes qui provoqueront la polémique en réalisant, à la demande de Mallet-Stevens,
des arbres cubistes en béton armé pour l'exposition d'arts décoratifs à Paris,
en 1925.
Fixer le mouvement dans la pierre
Puis, ils adhèrent à l'UAM (Union des artistes modernes), en
devenant même des piliers, aux côtés du chef de file, l'architecte novateur
Robert Mallet-Stevens. Leur réputation devient internationale, en 1932, avec
l'élévation d'un monumental bas-relief à la gloire de Debussy, à Paris,
boulevard Lannes dans le XVIe arrondissement. Bas-relief dont la conception fit
beaucoup jaser. Fixer la musique et la danse dans la pierre, tel était leur
défi, « à la fois hiératique et dans le mouvement », écrit notamment
Jean-Christophe Moncys-Martel, petit-fils de Jan Martel, dans le dernier
bulletin de la Société d'Histoire, que les jumeaux illustrent sur une belle
couverture glacée.
Car les Martel, qui jouent beaucoup avec leur gémellité
créatrice (on ne sait pas qui commence et qui finit l'oeuvre, mais la signature
est toujours « J J Martel »), sont un cas réellement à part. Et un style inclassable.
« Sont-ils classiques ? Cubistes ? Art Déco ? Synthétisent-ils ou
simplifient-ils ? »
Ils s'étaient fait remarquer dès l'après Première Guerre
mondiale par la composition de leurs monuments aux morts, transformant la
guerre en symbole de paix, comme la jeune veuve éplorée aux Clouzeaux, ou
encore la tristesse infinie de cette vieille femme à Olonne-sur-Mer.
Une liste qui s'est allongée après la Seconde Guerre
mondiale, avec le monument du maréchal Leclerc à Amiens, pour ne prendre que
cet exemple.
Mais ces élèves et amis de Mallet-Stevens et de Le Corbusier
furent des touche-à-tout. Et ils laissent une liste impressionnante d'oeuvres,
les faisant parfois mieux connaître, notamment auprès des collectionneurs, au
États-Unis et au Japon qu'en France et même en Vendée, le pays où « ils ont vu
le jour ».
Les Oiseaux sur le remblai montois
Ils iront jusqu'à décorer la chapelle du paquebot Normandie,
mais aussi des dépliants publicitaires pour des bouchons de radiateurs
d'automobiles. Et le groupe des oiseaux, sur le remblai de Saint-Jean-de-Monts
est une de leurs dernières oeuvres. Un buste de Le Corbusier la toute dernière.
À l'annonce de la mort de Joël quelques mois après celle de
Jan, en novembre 1966, il y a cinquante ans presque jour pour jour, le
journaliste vendéen, Valentin Roussière, a alors narré comment il avait
rencontré les deux frangins « qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau »,
à l'Exposition universelle de Paris, en 1937. Et de quelle brillante manière,
ces frères siamois s'étaient battus, dès le début des années 1930, pour
collecter (sur papier et sur bandes magnétiques) musiques et chants des
coutumes maraîchines en voie de disparition.
Ils créeront même une association folklorique. « Car pour
eux, le folklore ne devait pas être dans les musées mais donner de la vie ! »
Joël et Joël Martel reposent dans le cimetière de
Bois-de-Céné. Rappelons l'excellent travail du bulletin de la société
d'histoire 2016 sur les jumeaux.