Le monument aux morts de la Roche-sur-Yon


Le monument aux morts de la Roche-sur-Yon (Vendée)

Le monument aux morts de La Roche-sur-Yon dont l’origine remonte à 1920, a été inauguré le 22 octobre 1922. 

Un vote a rejeté la proposition de l’archiprêtre de faire placer un emblème religieux sur le monument, respectant ainsi la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat. 


Cliché du Monument aux Morts de La Roche-sur-Yon, à l'origine.

Les Martel sont très soucieux de voir respecter la « mise en scène et en espace » du monument, la banalité voulue de l’inscription « A la mémoire de ceux qui sont tombés » et le sens profond de leur œuvre. Les soldats en mouvement ne sont pas armés de fusils mais tels des paysans, ils avancent avec des pelles et des pioches sur leurs épaules. Photos de P. Saget.


Situé place Albert 1er ce monument a été restauré à l'occasion du réaménagement de l'espace qui a pris le nom de place Simone Veil en 2019.




Sur les visages de pierre nulle trace de haine. Deux d'entre eux regardent les vivants, adressant comme un ultime adieu. Pas d'armes, ni de croix. Une épitaphe sobre : " A la mémoire de ceux qui sont tombés ". Tous ces éléments incitent à y voir un monument pacifiste, esquivant en tout cas toute allusion à la guerre.


Les monuments, qui sont les garants de la mémoire, ont aussi une histoire. En 1920, les deux frères Jan et Joël Martel travaillent sur plusieurs projets  : trois en Eure-et-Loir (à Villemeux-sur-Eure, Néron, La Loupe et le Familistère de Guise (Aisne). En Vendée, ils s’attèlent aux monuments d’Olonne et de Saint-Gilles. 


Lors de correspondance avec la municipalité yonnaise, ils envoient calques, dessins et même des clichés. Ils inscrivent le monument dans un ensemble respectant l’harmonie des lieux. Pour eux, il s’agit de ne pas glorifier la guerre, les monuments sont un hommage aux morts, une allégorie de la paix. Sur le monument de La Roche-sur-Yon, les soldats ont un casque, mais ne sont pas armés. Les frères Martel ne transigeront pas sur le cénotaphe, en mémoire de ceux qui sont tombés.

Ci-dessous clichés de Jacques Desbarbieux © Mercredi 10 juillet 2024 


Une très grande esplanade minérale de 1 000 m2, plus propice aux commémorations, met ce monument en perspective depuis les travaux effectués en 2019.


Le monument est encadré par plusieurs éléments géométriques dont 2 vasques de style art déco.


Le bas-relief des frères Martel est installé au fronton de cet ensemble très géométrique. A l'origine les dates 1914 et 1918 ainsi que les noms des 561 soldats morts au combat ne figuraient pas sur des plaques noires, mais étaient gravés directement dans la pierre de Lorraine.


Des vasques art déco sont venues compléter de part et d'autre ce monument.


Huit soldats progressent de gauche à droite sous la protection d'un ange rassurant aux ailes immenses. L'axe de symétrie divise le groupe des soldats en deux parties. Les 5 militaires de droite constituent un corps solide rapproché avec des échanges de regards bienveillants.



Sur les blocs parallélépipédiques contiguës au monument des plaques commémoratives ont été apposées à la mémoire des combattants des autres guerres (39-45, Indochine, AFN, Aux harkis et formations supplétives et Opérations extérieures : Tchad, Liban, Mali).



Les soldats situés à l'extrémité gauche du monument ne portent pas de fusil mais des pelles.


Le groupe des 3 soldats au centre du monument aux morts sous les ailes de l'ange de la France protectrice. Le soldat à la gauche de ce trio ne porte pas d'arme mais une pioche.


La peur, la crainte et l'inquiétude se lit sur les expressions des visages des deux soldats situés à l'extrême droite du monument. Tandis que leur camarade montre une détermination à aller de l'avant.
La signature des jumeaux sculpteurs Joël et Jan Martel est gravée à la base droite du monument avec la date 1922 de l'année de l'inauguration.


" A la mémoire de ceux qui sont tombés "
Les noms des soldats morts aux combats figurent sur 14 colonnes, le nombre prévu dans le dessin des frères Martel. La solution retenue a été celle de lettres en relief et non d'une taille dans les blocs de pierre.


La face arrière du monument aux morts

Esquisses et projets


Esquisse de Jan et Joël Martel, avec la mention " Vu par le maire ", pour le monument aux morts de La Roche-sur-Yon. Les noms des soldats y sont gravés dans la pierre de Lorraine ainsi que les années 1914-1918.


Dans ce projet l'ange, qui représente la France, occupe la partie centrale et apparaît de face, il domine et écrase plutôt les soldats qui ne sont pas tous à la même hauteur. Dans cette composition il se dégageait nettement moins d'expressions. Les militaires sont non armés, comme dans la réalisation ultime, mais ne portent pas encore d'outils.


La France ailée qui protège ses enfants, en l'occurence 2 groupes symétriques de 5 soldats. Ceux-ci ne portent pas d'armes, mais n'ont pas non plus les outils, pelles et pioches utiles au creusement des tranchées, de la version définitive.


Les signatures apposées par chacun des 2 frères : Jan et Joël Martel


On connaît cet autre projet avec seulement 6 soldats et une composition totalement symétrique. On remarque la prolongation hors cadre du bas de la France ailée, ainsi qu'une retouche sur le bord droit.


Une autre étape avec 10 soldats et le visage de la France ailée tourné vers la droite.


Cette étude préliminaire avec 10 soldats (mention 3 grandeur nature) nous dévoile le travail de composition avec les lignes de force.


Ce brouillon montre les débuts de recherche de la composition. Y figure déjà l'idée de la France ailée, mais les soldats sont séparés en 2 groupes par une oblique, certains sont vus de profil et d'autres de face.


Etude, notée n° 11, avec un quadrillage et des lignes directrices de fuites partant d'un point central en haut et en bas.


Etude notée n° 15 avec un quadrillage numéroté en haut de 1 à 8 de droite à gauche et de gauche à droite, dévoilant la recherche d'une composition symétrique au départ. Comme dans les précédentes (les n° 3 et 11)  les 10 casques sont sur la même horizontale.


3 dessins signés J. M. n° 7 montrant des détails de la France ailée, avec différentes positions de la tête.


Dessin de la partie gauche du bas-relief (noté 12 bis) avec un quadrillage de fins traits rouge superposés à un autre de couleur noire utiles pour la taille des blocs.


Dessin d'une autre disposition, non retenue, avec trois militaires vus de dos et un quatrième qui nous regarde comme pour nous dire adieu.


Une variante, également non retenue, où les soldats portent des fusils.


Etude d'un soldat ne portant pas de fusil, avec un sac sur l'épaule.


Une autre étude de soldat détaillant l'expression du visage.


Sur cette esquisse avec 4 soldats, dont deux en premier plan, celui de gauche porte une pelle, tandis qu'il est difficile de préciser si celui de droite porte une arme ou un manche d'outil.


Sur cette autre esquisse ce soldat tient un fusil dans sa main droite. Il faut remarquer les traits anguleux de cette composition, notamment au niveau du visage, qui accentue la gravité de la situation.


Jan Martel a signé ce document, à l'échelle de 0,005 pour mille, qui correspond aux plantations envisagées sur l'esplanade et autour du Monument aux Morts de La Roche-sur-Yon.


Les plantations à l'arrière du Monument aux Morts avec successivement des ancubas, des mahonias, des lauriers-palme, 2 ifs, 7 abiès bleus et 8 cèdres de l'Atlas.


Ce montage montre une des méthodes de conception des sculpteurs, avec de nombreux croquis préliminaires dont certains exécutés à partir de documents photographiques. D'après Florence Regourd ©.

Cartes postales


Carte postale n° 12 - La Roche-dur-Yon (Vendée) - Monument aux Morts

Sur ces anciennes cartes postales, on remarque qu'à l'origine, les dates 1914 et 1918, ainsi que les noms des soldats disparus étaient gravés sur 14 colonnes directement dans la pierre de Lorraine comme dans le projet dessiné par les frères Martel.


Carte postale n° 16 - La Roche-sur-Yon - Le Monument aux Morts. Editions Négus.


Carte postale des Editions d'art Raymond Bergevin à La Rochelle.


Carte postale n° 98 - La Roche-sur-Yon - Monument aux Morts pour la Patrie et le Presbytère.


Carte postal n° 192 - La Roche-sur-Yon (Vendée) - La Place Albert 1er et le Monument aux Morts de la Guerre 1914-1918. Editeur Mozais.

Les deux vasques art déco n'existaient pas à l'origine de part et d'autre du monument aux morts, mais il y en avaient deux autres à distance de celui-ci.


MONUMENT AUX MORTS DE LA ROCHE-SUR-YON

Des Frères Jan et Joël MARTEL


Sous l'égide de l'Ange de la Patrie, ils s'en vont, résignés, beaux, dans la grandeur du Sacrifice.

Ils marchent vers la tranchée, l'outil sur l'épaule ; c'est l'arme imposée par un ennemi qui a peur de la lutte au soleil.

L'un d'eux se retourne, peut-être pour jeter un dernier regard, une dernière pensée à tout ce qu'il laisse en arrière. Peut-être est-ce l'officier qui doit à sa fière et sublime mission d'être un surhomme pour laisser lire en son regard les espérances de victoire et inspirer le courage pour affronter le danger et la mort ?

L. R.
© Archives de la Vendée

A propos des monuments aux morts

Dans un département qui a été très marqué par la première guerre mondiale, puisque plus de 22 000 poilus, soit 5 % de la population d’avant-guerre, ont été tués, il était légitime que les communes honorent leurs mémoires par des monuments comme il y en eut dans tout le pays après 1920.


En Vendée, où la République avait été défendue mais sans que les querelles religieuses et scolaires ne s’estompent, les thèmes et les emplacements de ces monuments furent très étudiés pour convenir à l’ensemble des populations. En privilégiant les obélisques, les pyramides ou les stèles, beaucoup de commanditaires préférèrent éviter tout rappel trop militant ou trop martial, comme à Saint-Cyr-en-Talmondais ou à Vouvant où un soldat en marche arbore fièrement une couronne de laurier.


Parmi ces monuments, on fera une place particulière à l’œuvre des sculpteurs Jan et Joël Martel qui réalisèrent en Vendée, ceux de La Roche-sur-Yon, d’Olonne-sur-Mer et de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, datant tous trois de 1922. Ils s’inspirent du cubisme, préférant des formes modernes, très stylisées, tout en affichant leur attachement pour l’inspiration régionale et des convictions affirmées.


A Olonne-sur-Mer, c’est une vieille femme, debout, de stature impressionnante, en coiffe et aux yeux clos, qui se tient dans une attitude de recueillement. L’inscription est sobre : « Hommage à nos morts. 148 Olonnais sont tombés pendant la guerre ». A Saint-Gilles c’est une femme, également en costume traditionnel mais jeune et agenouillée, tête inclinée tristement, qui est face à la dalle de pierre où sont gravés les noms des disparus. Au dos du monument, quatre visages de marins et soldats sont sculptés dans la pierre. Le monument yonnais a été financé par une importante souscription publique et de larges subventions. Un vaste fronton en pierre de Lorraine présente une composition organisée autour d’un bas-relief : une France ailée protégeant huit soldats en mouvement. La liste des morts (561) est gravée sous le bas-relief. Les sculpteurs très soucieux de voir respecter la « mise en scène et en espace » du monument, ont voulu une inscription banale : « A la mémoire de ceux qui sont tombés ». Les soldats en mouvement ne sont pas armés de fusils mais tels des paysans, ils avancent avec des pelles et des pioches sur leurs épaules.

Jean-Clément Martin

 

Un reportage sur FR3, à découvrir en cliquant ici, diffusé le 17 juin 1993 à l’occasion d’une exposition sur les monuments aux morts à Mouilleron-en-Pareds

 

Une exposition sur les monuments aux morts se tient au musée de Lattre, à Moulleron-en-Pareds. Cette manifestation permet de comprendre la présence fréquente de signes, symboles, portraits et allégories, souvent patriotiques et communs à tous les monuments de France. Dans cette exposition se distinguent les œuvres remarquables commandées aux frères Martel.