Le monument aux morts de Saint-Gilles-Croix-de-Vie


Le monument aux morts de Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée)



Le monument aux morts de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, le 11 novembre 2018, pour le centenaire de l'armistice (Cliché de Claire Forney, petite fille de Jan Martel)

Bien plus encore que la forme, c’est sur le fond, le sens, la signification pacifique qu’ils donnent à leurs monuments que les frères Martel se distinguent ; interprétation confirmée par la correspondance de Jan, mobilisé en 1915, et renforcée par les discours d’inauguration des monuments prononcés en 1922 par le Docteur Marcel Baudoin. 

A Olonne (discours du 23 juillet 1922), « ils se sont refusés à glorifier la guerre passée, eux, anciens poilus, par l’image de la bataille, par un soldat en armes ! Comme ils souhaitaient un monument bien personnel, et tout à fait local, c’est alors que je leur ai suggéré, pour tout ce qu’ils pourraient tenter en Vendée, l’idée d’une scène de Paix, avec l’emploi du costume actuel du pays ». Le maire de l’époque, Valère Mathé, présente ainsi le sujet : « une Olonnaise, veuve de guerre ou mère ayant perdu un fils sur les champs de bataille ; en costume de deuil du pays : coiffe ancienne, jupe et châle noirs, dans l’attitude du recueillement ».


Dessins préparatoires des Martel - Archives départementale de Vendée


Étude pour le projet définitif du Monument aux morts de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Dessin esquisse au crayon sur papier calque, 1922. Collection Historial de la Vendée, Les Lucs-sur-Boulogne.



Jan et Joël Martel s'attellent aux finitions du monument aux morts de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, avant son inauguration du 5 novembre 1922.


Le monument de Saint-Gilles fait également l’objet d’un discours du Docteur Baudoin : 

« Le geste symbolique nécessaire…[…]…qui ne glorifie pas la guerre par l’image d’un soldat en armes, la victoire par une statue de l’époque grecque ou de la Renaissance…[…]…Vu le but poursuivi, il fallait une statue dépourvue de toute prétention, qui fut l’expression réelle du sentiment que la guerre a laissé dans l’âme populaire…quelle forme pouvait mieux exprimer cette pensée que cette « Girase », que cette femme du peuple agenouillée ? 

C’est la mère, la sœur, l’épouse des combattants, poilus et marins nés sur les bords de l’Atlantique. Cette femme n’est pas quelconque - ce n’est pas une allégorie - c’est une femme réelle, une femme de chez vous, une femme qui a vécu la guerre, ici même ! ».



Au dos du monument le bas-relief " A nos soldats A nos marins ".


Le monument aux morts de Saint-Gilles représente une femme, également en costume traditionnel mais jeune et agenouillée, bras pendant le long du corps ; attitude éplorée, tête inclinée tristement face à la dalle de pierre où sont gravés les noms des disparus. 

Une composition architecturale, car les frères Martel sont ici associés, comme à Olonne, à l’architecte Jean Burkhalter. L’œuvre est considérée comme l’une des plus réussies parmi les nombreux monuments aux morts qu’ils ont réalisés durant ces années 1920, au moins une douzaine dans toute la France. Au dos du monument, quatre visages de marins et soldats sont sculptés dans la pierre.



Photo de Guy Ruel

Clichés de Jacques Desbarbieux ©
le jeudi 11 juillet 2024


L'art de la fraternité


Joël et Jan Martel naissent le 5 mars 1896 à Nantes.

Ils y accomplissent leurs études primaires et se rendent régulièrement en Vendée dans la propriété familiale « Le Mollin » près de Challans d'où leur mère est issue.

Après le décès de cette dernière en 1910, la famille s'installe à Paris.

Les frères jumeaux sont admis en 1913 à l'École Nationale des Arts décoratifs.

Mobilisé en 1915, Jan part au front, Joël est réformé.


Artistes parisiens, sculpteurs décorateurs, épris de modernité avec comme maître et amis Mallet-Stevens et le Corbusier, ils s'inspirent du cubisme, préférant des formes modernes, très stylisées, tout en affichant leur attachement pour l'inspiration régionale. Ils ne conçoivent la sculpture qu'inséparable de l'architecture. La fraternité des deux arts leur apparaît chose naturelle aussi évidente que leur propre fraternité.


Profondément marqués par la Première Guerre mondiale, ils reçoivent en 1922 de leur ami Marcel Baudouin la commande de plusieurs monuments en Vendée (Olonne-sur-Mer, Saint-Hilaire-de-Vouhis, la Roche-sur-Yon, Saint-Gilles-sur-Vie).


Ils sont les auteurs de bas-reliefs célèbres, de cénotaphes et autres Monuments aux morts transformant la guerre en symbole de paix.


Réalisé en pierre de Lorraine, le monument de Saint-Gilles-sur-Vie, revêt un caractère régionaliste. C'est une jeune femme qui se tient dans une attitude de recueillement, en costume traditionnel, agenouillée, tête inclinée tristement, face à la dalle de pierre où sont gravés les noms des disparus. Au dos du monument, un bas-relief rectangulaire représente quatre figures de poilus et de matelots, fiers et résolus.


La France a mobilisé plus de 7 millions de combattants pendant la guerre 14-18.

Un poilu sur quatre est mort.

En Vendée plus de 22 000 poilus ont été tués.

Dès la fin de la guerre, l'urgence de la commémoration s'impose.

Il était légitime que les communes honorent leurs mémoires par des monuments comme il y en eut dans tout le pays après 1920.

36 000 Monuments aux morts sont édifiés de 1920 à 1925 soit plus de 16 par jour.



5 Novembre 1922


Inauguration du Monument aux Morts des frères Martel.


[...] Il fallait une statue dépourvue de toute prétention, qui fut l'expression réelle du sentiment que la guerre a laissé dans l'âme populaire...quelle forme pouvait mieux exprimer cette pensée que cette « Girase », que cette femme du peuple agenouillée ? 


C'est la mère, la sœur, l'épouse des combattants, poilus et marins nés sur les bords de l'Atlantique.


Cette femme n'est pas quelconque, ce n'est pas une allégorie, c'est une femme réelle, de chez nous, une femme qui a vécu la guerre, ici même !


Marcel Baudouin, Président du Comité Vendéen des Arts appliqués.


[...] Il appartient aux morts de nous inspirer et de nous enseigner.


Emilien Loubé, Maire de Saint-Gilles-sur-Vie 1919-1925.






Le bas-relief au dos du monument aux morts, avec l'inscription " A nos soldats à nos marins ".





Les noms des sculpteurs Joël et Jan Martel et de l'architecte Jean Burkhalter sont gravés sur la face avant à la partie droite de ce monument aux morts.



Le monument aux morts se situe au bout d'une longue allée.




A l'entrée du parc menant au monument aux morts un panneau rappelle l'exposition " Mémoires d'hommes " consacrée aux frères Martel qui s'est déroulée, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, quelques années plus tôt, du 9 au 30 novembre 2018, dans le contexte du centenaire de la guerre 1914-1918.

Le buste du Docteur Marcel Baudoin

C'est aussi dans un des deux cimetières de Saint-Gilles-Croix-de-Vie que l'on peut voir le buste du Docteur Marcel Baudoin, sculpté par les frères Martel.



Clichés de Jacques Desbarbieux © le jeudi 11 juillet 2024


C'est dans le cimetière dit de Sainte Croix à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, rue Jean Ingoult, que se situe ce buste du Docteur Marcel Baudoin, dans le secteur J, très proche de l'entrée.