Les frères Martel, jumeaux et célèbres sculpteurs
Article publié le 30 décembre 2015 par Philippe Gilbert
Ce bas-relief, derrière l'Espace Martel, à Challans, est un
hommage de Jan et Joël, à Milcendeau.
Maraîchins remarquables. Nés en 1896, Jan et Joël Martel
furent de grands sculpteurs, dont la maman était native de Bois-de-Céné. La
gémellité les confondra jusque dans la mort, en 1966.
Au bout d'une allée aux essences multiples, la résidence du
Mollin, sur la route de Challans - Bois-de-Céné, est un parc romantique, bordé
d'un étang de roseaux et d'un menhir surmonté d'une croix celtique, naguère
limite entre les communes de Sallertaine et La Garnache. Sur le gazon, quelques
reproductions de leur oeuvre, Trinité, Mélusine, La femme à la draperie...
Elles offrent leurs lignes à la fois hiératiques et dynamiques, la « patte »
des Martel.
Quant à la maison, qu'ils ont dessinée, elle offre cette
même lumineuse simplicité, avec ses tuiles rouges et ses volets bleus. Sur un
des murs, repose un extrait de bas-relief, évocation de l'œuvre de Debussy,
qu'ils admiraient, car Joël et Jan étaient aussi musiciens et chorégraphes.
Le monument Debussy, situé dans le XVIe arrondissement de
Paris, fut inauguré par le président de la République, en 1932.
Florence, l'héritière protectrice
Dans cette propriété touchée par la grâce comme dans un film
de Cocteau, l'âme des Martel survit. « Ils semblent en être partis hier pour
revenir demain », s'amuse Florence Langer, la fille de Jan, la seule héritière
qui ait pris soin de préserver l'oeuvre, avec son fils Jean-Christophe Moncys.
« Ils sont nés à Nantes, mais ils disaient souvent qu'ils avaient vu le jour au
Mollin ».
Léon, leur père, était biscuitier à Nantes, mais leur mère,
Rachel Boucher, était une enfant de Bois-de-Céné.
Et le Mollin fut leur villégiature même au plus fort de leur
gloire, entre les deux guerres, lorsque la puissance créatrice des deux frères
se façonnait autour de la modernité et de la tradition, deux lignes
antinomiques qu'ils rendaient complémentaires.
Mais ils perdront leur mère au sortir de l'enfance. Leur
père ne contrariera pas leur gémellité. D'ailleurs, les deux frangins en
joueront, notamment pour faire des blagues, mais surtout pour sculpter. Ils
signent « J. J. Martel », mais on ne sait pas qui commence et qui finit
l'œuvre. Leur cas est quasiment unique dans le geste de la création. Et leur
style inclassable. Sont-ils classiques ? Cubistes ? Art-déco ? Synthétisent-ils
ou simplifient-ils ?...
Œuvres aussi à Saint-Gilles, La Roche, Les Closeaux ...
Ces frères siamois furent avant tout des piliers de
l'avant-gardiste Uam, l'Union des artistes modernes, créée en 1929 par Robert
Mallet-Stevens. La rencontre des Martel avec cet architecte novateur fut
déterminante. Ensemble, ils travaillèrent sur des bars, des magasins et même
des dépliants publicitaires pour des bouchons de radiateurs d'automobiles !
Ce qui fit grand bruit. Et scandale quand Mallet-Stevens les
fit travailler sur des arbres cubistes en béton armé, aujourd'hui visibles dans
les jardins de la mairie de Boulogne-Billancourt. Le monument Debussy,
boulevard Lannes, dans le XVIe, à Paris, fit aussi l'objet d'une polémique.
En 1935, ils décorent la chapelle du paquebot Normandie. Et
toute leur vie, ils laissèrent leur empreinte en France et en Vendée, Challans,
La Roche-sur-Yon, Les Clouzeaux, Saint-Hilaire-le-Vouhis, Mouchamps, le Mont
des Alouettes, Olonne, Saint-Jean-de-Monts... Familiers de la paysannerie, ils
furent aussi inquiets, dès les années trente, de la disparition des traditions
et créèrent un groupe folklorique. La gémellité va les poursuivre jusque dans
la mort, puisqu'en 1966 Jan disparaît dans un accident de voiture et Joël est
emporté par la maladie la même année.